Titré en Championnat FIA de Formule 3 sur l’Autodromo Nazionale Monza en 2022, le pilote de l’Alpine Academy Victor Martins (ART Grand Prix) a gravi un nouvel échelon dans son ascension vers la Formule 1 en s’engageant en Championnat FIA de Formule 2. Le Français est actuellement cinquième du classement général avec déjà 131 points inscrits pour sa première campagne dans la catégorie.

 


Nous nous sommes entretenus avec Victor pour échanger sur les différences entre la F3 et la F2, sa progression depuis le début de saison et ses principaux enseignements acquis jusqu’ici cette année.

 

 

Quelle est la plus grande différence entre le pilotage d’une F3 et celui d’une F2 ?

 

 

Je dirai que la plus grande différence réside dans la préparation. Quand vous vous installez au volant d’une Formule 2, vous devez savoir beaucoup plus de choses par rapport à la Formule 3, comme les procédures de mise en température des pneumatiques et des freins. La manière de piloter n’est pas complètement différente, mais vous devez connaître les points clés de la monoplace – où elle est efficace et où elle ne l’est pas. Vous comprenez et vous vous adaptez selon les conditions du moment. En F2, la voiture est également plus lourde qu’en F3, et il y a beaucoup plus de puissance, ce qui peut être difficile à gérer.

 

 

Avez-vous ressenti une pression et des attentes supplémentaires en Formule 2 ?

 

 

Pas tellement. En tant que rookie, j’avais certaines attentes, mais peut-être pas autant qu’un pilote en deuxième année. Je sais qu’il s’agit de l’étape avant la Formule 1, mais cela reste un passage où j’ai la chance d’apprendre beaucoup et il faut du temps pour y parvenir. Vous avez des choses inédites à gérer, comme les deux nouveaux composés de pneus et les arrêts aux stands obligatoires. J’étais ouvert d’esprit sur les points où je devais progresser, mais je n’ai pas ressenti de surplus de pression. Bien sûr, il y a toujours la pression des résultats, mais cela vient plus de mes objectifs personnels que de l’extérieur.

 

 

Certaines différences vous ont-elles surpris lors de vos débuts en Formule 2 ?

 

 

La gestion des courses, surtout mentalement, comme elles sont plus longues qu’en Formule 3. La course principale est assez longue, donc il faut adapter son approche. Ce n’est pas comme si vous preniez le départ et que vous attaquiez jusqu’à l’arrivée. On doit gérer et se synchroniser avec l’équilibre de la monoplace à notre disposition, la dégradation des pneus et il faut réévaluer la situation en permanence. Si vous ne le faites pas, vous risquez de commettre une erreur en début ou fin de course. C’est assez intéressant à vivre et c’est un peu différent de la Formule 3.

 

 

Y a-t-il des différences dans votre technique de pilotage entre les deux voitures ?

 

 

Nous avons beaucoup d’appuis, donc il y a beaucoup d’adhérence dans les virages rapides, mais la voiture reste lourde. Dans les courbes à basses et moyennes vitesses, le poids de la monoplace peut la faire paraître un peu paresseuse comme on le dit dans le monde de la course. Bien sûr, nous avons des pneus dix-huit pouces, donc ils peuvent parfois fonctionner un peu différemment dans leur mise en température. Côté pilotage, ce n’est pas si différent. Ce sont les gommes et les freins carbone qui peuvent conditionner l’approche des virages, tout comme leur gestion au fil d’une course ou des qualifications. Le pilotage est toujours le même, il faut attaquer, passer les qualifications et c’est parti.

 

 

Comment abordez-vous la gestion des pneumatiques durant les courses, et comment cet aspect a-t-il évolué depuis votre passage en Formule 3 ?

 

 

C’est une approche différente, avec une autre préparation. Avec l’équipe, j’essaie d’être le mieux préparé possible, même par rapport à la Formule 3. En Formule 2, cela dépend aussi beaucoup des conditions météorologiques, afin de voir comment les pneus se comporteront et comment il faut les gérer pour la course. C’est plus dans l’instant que les décisions se prennent avec les pneumatiques, car cela peut changer d’un jour à l’autre. C’est une situation très sensible, à réévaluer dès que vous reprenez la piste.

 

 

Comment s’est déroulée la préparation des arrêts aux stands obligatoires en F2 ?

 

 

C’était assez nouveau pour moi ! C’est la première fois de ma carrière où je dois m’arrêter aux stands, donc j’ai dû m’y habituer. La première préparation consiste simplement à s’entraîner en début d’année. Même l’an dernier en essais d’après-saison, nous en faisions juste pour travailler sur la vitesse d’approche, la propreté et la précision pour les mécaniciens. Nous avons cette préparation, mais c’est finalement facile et difficile à la fois. On doit vraiment être bien positionné, donc nous avons un débriefing chaque week-end pour échanger sur ce que j’ai bien fait et ce qui doit être amélioré. C’est un processus simple auquel il faut se faire.

 

 

Votre compréhension de l’ingénierie a-t-elle évolué depuis votre arrivée en F2 ?

 

 

Dans une certaine mesure, oui, mais je ne dirais pas que cela est énorme. Chaque année, j’en apprends de plus en plus sur l’ingénierie d’une voiture et sur ce que nous faisons avec nos ingénieurs. C’est une progression normale, un nouveau pas en avant dans mes connaissances et ma compréhension grâce à l’apprentissage auprès de l’équipe et de ses procédures pour régler la voiture, l’exploiter et tout maximiser. On approfondit tout simplement mes connaissances à chaque étape sur la route vers la Formule 1.

 

 

Comment vous êtes-vous préparé mentalement et physiquement à la compétition accrue et à un niveau encore plus relevé ?

 

 

Je me prépare physiquement et mentalement avant chaque course ainsi que pendant la trêve hivernale. Le travail durant l’hiver est votre base pour toute l’année, comme vous n’avez parfois pas beaucoup de temps entre les épreuves du calendrier, ce qui vous empêche de progresser. Ensuite, il faut maintenir votre forme tout au long de la saison, notamment au niveau du cou, des épaules, des bras, du tronc et du cardio, car cela devient très physique quand vous êtes un certain temps au volant. Je fais beaucoup de sport dès que j’en ai l’occasion dans mon temps libre, et je travaille aussi avec quelqu’un sur la préparation mentale. J’accorde beaucoup d’importance à cet aspect puisque j’estime que 70 % de la performance se joue dans la tête. Trier ses émotions pour être bien, au bon endroit, et au bon moment, est un ingrédient clé du succès. J’y travaille tout le temps, chaque année, chaque hiver, pour arriver confiant et prêt sur chaque course.

 

 

En quoi l’entraînement et la nutrition diffèrent-ils en dehors des circuits ?

 

 

Je fais attention à ce que je mange, mais je n’ai pas de régime alimentaire spécifique. Je sais ce qui est bon ou non. J’ai consulté des personnes dans le passé pour des sujets liés à la nutrition. J’ai beaucoup appris d’elles et j’y travaille désormais avec mon entraîneur. Je pense que nous sommes maintenant tous assez âgés pour connaître ce qui est bien et ce qui ne l’est pas pour nous ! Entre chaque épreuve, je m’entraîne dur, je surveille mon alimentation et je me soucie encore plus de ce que je mange et bois durant un week-end de course. Même en l’absence de régime spécifique, mon kiné est là pour me dire que manger ou boire et quand afin d’être prêt.

 

 

Votre récupération entre les courses a-t-elle changé entre la F3 et la F2 ?

 

 

Oui, assurément. Il s’agit de choses simples. La récupération vient de votre alimentation, de votre sommeil et de votre hydratation. J’accorde beaucoup d’importance à ces trois points : bien manger, boire beaucoup et bien dormir pour récupérer. Je fais d’autres choses moins régulièrement comme je ne suis pas au bon endroit ou que je n’en ai pas la possibilité loin de chez moi. Parfois, il suffit de se concentrer sur les choses faciles à gérer et d’autres avec Alpine et les conseils qu’ils nous offrent.

 

 

Comment gérez-vous la logistique des voyages dans différents pays et l’adaptation aux différents fuseaux horaires durant une saison aussi intense ?

 


Pour être franc, ce n’est pas encore trop mal. Nous ne voyageons pas d’un bout du monde à l’autre en Formule 2. Cela reste gérable, même si nous avons l’Australie, qui peut être un peu difficile à cause du décalage horaire. Il y a Bahreïn, Djeddah, Bakou et Abu Dhabi, qui ont tous deux ou trois heures de différence, mais tous les autres rendez-vous sont en Europe. Je gère la logistique avec mon frère, qui est un peu mon manager au quotidien. Avec Alpine et mon entraîneur, nous nous concentrons les changements de fuseaux horaires, mais ce n’est pas encore crucial. Ce n’est qu’en Formule 1 que cela devient plus compliqué avec de gros décalages horaires.

 

 

Restez attentifs aux prestations de Victor Martins lors de la dernière manche de la saison 2023 du Championnat FIA de Formule 2 sur le circuit Yas Marina à Abu Dhabi (23-25 novembre 2023).